le collectif

Le vote par l’Assemblée nationale le 23 février 2005 de l’amendement sur « le bilan positif de la colonisation », fut le signe du retour en force de l’idéologie colonialiste et raciste sur les institutions de la République en France. A cette date une quinzaine de monuments à la gloire de fascistes de l’OAS et d’officiers de l’armée qui avaient pris les armes contre la République étaient déjà érigés en France. Il y en a une centaine aujourd’hui.

En réaction salutaire, un collectif s’est créé contre cette dangereuse tentative de réhabilitation des crimes d’État que furent les guerres coloniales et la colonisation française, héritière de quatre siècles de traite négrière et de l’esclavage. Sortir du colonialisme organise, avec de nombreux groupes militants, associations, mouvements, une Semaine anticoloniale et antiraciste depuis plus de 15 ans. Y participent aussi des personnes à titre individuel qui se retrouvent dans ces valeurs. Au fil des ans, dans d’autres villes se sont construites des manifestations du même type, par exemple à Bordeaux, Valence, Montargis, Lille, Saint-Etienne, Toulouse…

Combattre le racisme

Le racisme a été le porte-drapeau de l’idéologie coloniale, élaborée par les puissances impérialistes, en même temps qu’il a été la justification de leur domination sur les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Il a laissé des traces qui imprègnent toujours les populations et les institutions des pays anciennement colonisateurs.

« le racisme trouve ses sources dans l’histoire longue et on voit resurgir la question de l’esclavage et de la traite dont les conséquences marquent encore profondément l’organisation du monde et l’imaginaire des sociétés ».

Gus Massiah

En France comme dans d’autres pays d’Europe, le racisme redouble de violence à l’occasion de la crise économique et politique ; nous en avons vu les effets lors des élections nationales du printemps. Un racisme décomplexé s’est installé : des propos nauséabonds de haine, des prophéties mystificatrices largement médiatisés pénètrent toute la population. S’y opposer activement est un impératif et une urgence.

La pérennisation de pouvoirs répressifs et de la misère qu’ils génèrent dans nombre de pays postcoloniaux poussent chaque année plusieurs millions de personnes de tous âges à fuir leur pays en quête d’avenir meilleur. Au péril de leur vie, des migrant•es parcourent des déserts, des mers pour franchir les murs des forteresses états-unienne ou européenne. Au sein même de l’Empire français, la misère des peuples des Antilles, de la Guyane, de la Réunion, de Mayotte, les pousse à l’émigration et les soumet au racisme qui accompagne le déracinement.

Si de magnifiques élans de solidarité s’expriment à l’égard des migrant.es, la fraternité et l’entraide ne suppriment pas les insultes et propos discriminatoires, la traque des sans-papiers, les délits de faciès, les expulsions de demandeurs d’asile…

En un mot, le racisme institutionnel qui permet l’utilisation des ex-colonisé.es et de celles et ceux qui sont encore colonisé.es comme boucs émissaires des difficultés de tous ordres.

Le Salon anticolonial, qui ouvre la Semaine, est un forum politico-culturel à travers ses stands, ses débats, ses films et des liaisons internet avec des peuples en lutte sur divers continents. Il met ainsi en synergie les luttes qui ont la même origine prédatrice : la course aux profits de l’économie capitaliste mondialisée qui cherche à mettre en concurrence les peuples du monde. Tout au contraire, c’est leur rapprochement que la Semaine anticoloniale et antiraciste cherche à réaliser. Nous devons poursuivre et amplifier l’esprit de Manouchian, l’esprit de fraternité entre tous les habitants de ce pays. La fraternité, l’égalité font le ciment de la Semaine anticoloniale. Le combat anticolonial, héritier de toutes ces luttes, continue. Il est plus que jamais d’actualité.

La Semaine anticoloniale met particulièrement en évidence le fait que les peuples qui dénoncent les conditions post-coloniales de leur existence sont aussi ceux qui tentent de préserver de la voracité productiviste une planète où le capitalisme conduit à la mise en cause du bien commun qu’est notre planète Terre. La Semaine est l’occasion de faire entendre les voix des peuples autochtones de la Caraïbe, de l’Amérique, d’Indonésie, d’Australie, du monde entier, qui se dressent contre les régimes corrompus soutenus politiquement et militairement par les puissances impérialistes et leurs multinationales qui pillent les richesses naturelles.

Anticolonialisme et lutte pour la défense des droits, ici et ailleurs

L’histoire de l’émancipation des peuples s’écrit aujourd’hui de la Palestine au Sahara occidental, du Kurdistan à la Kanaky, en passant par le territoire Mapuche du Chili.

Ces luttes pour le droit à l’autodétermination s’inscrivent dans une histoire longue : les prises de parole de la Semaine rappelleront que ce droit a été proclamé, depuis Bolivar au début du XIXe siècle à Ho Chi Minh dans le second XXe siècle, par tous les penseurs et acteurs de la décolonisation et de la liberté, dont les pensées et les luttes doivent être mieux connues, comme Frantz Fanon, Lumumba, Mandela, Sankara…

Par sa valorisation des combats pour l’indépendance des peuples, la Semaine anticoloniale et antiraciste s’inscrit dans la suite d’étapes majeures comme la conférence des pays non-alignés à Bandung en 1955 ou l’organisation de de la Tricontinentale en 1965, portée par Che Guevara, Ben Barka, Amilcar Cabral.

Aujourd’hui, la finance internationale entend régenter les États au Nord comme elle l’a fait avec ceux du Sud. Les mauvaises « recettes » qu’elle y a expérimentées pour affaiblir la souveraineté des pays et de leurs peuples, sont aujourd’hui mises en œuvre dans les pays du Nord où les services publics, les droits économiques, sociaux et culturels sont remis en cause.

Plus que jamais un travail d’éducation populaire est nécessaire pour faire connaître les réalités historiques et déconstruire le discours de l’idéologie dominante imprégnée de postcolonialisme à l’heure où, en France, dix milliardaires possèdent quasiment toute la presse et des chaines de télévision qui tournent en boucle dans nombre de foyers.

Ce texte est paru dans le numéro du n°24 de la collection Passerelle « Décoloniser ! Notions, enjeux et horizons politiques ».